Partout aujourd’hui, notre espèce réexamine sa place et ses responsabilités par rapport au reste du vivant. Dans les débats sur la fin de la nature et le besoin de réensauvagement, personne ne parle jamais de jardins. Pourtant, dans les pays occidentaux leur surface dépasse de beaucoup celle des réserves naturelles : même le plus petit jardin peut compter. Pourquoi, alors, les oublie-t- on et en quoi peuvent-ils espérer contribuer à l’avenir du vivant ?
Dans cet essai foisonnant, Louisa Jones propose des réponses à la fois historiques, philosophiques et pratiques. Elle survole d’abord l’héritage occidental du “sauvage” dans ses rapports parfois surprenants aux jardins : du Paléolithique jusqu’au nouveau land art, en passant par la wilderness américaine et l’horticulture “anglaise”. Aux jardiniers, elle offre un riche tissage de témoignages et de conseils pratiques cueillis chez les spécialistes du monde entier. Le “jardinier ensauvagé” observe d’abord les écosystèmes existants pour mieux y insérer son territoire personnel. L’humain ne domine plus, ne s’efface pas non plus, mais enrichit ce lieu partagé pour un bénéfice réciproque. Son jardinage régénère les sols, la biodiversité, les conditions mêmes d’un épanouissement où beauté, sensualité, créativité et productivité se mélangent. Partagé, le jardin ensauvagé glisse vers la forêt-jardin de la permaculture, les fermes sauvages, les tiers-lieux. Il rejoint la petite polyculture paysanne et surtout l’exemple méditerranéen, exceptionnel par sa résilience et sa biodiversité.
Et dans notre monde précaire, abîmé, le jardin ensauvagé devient un “lieu de résurgence” semblable aux mosaïques, patchs et clairières loués par certains écologues, où s’inventent de nouvelles manières de bien vivre. Ensauvager son jardin, c’est participer de façon immédiate et personnelle à la polyphonie du vivant.